Rabat – Le Délégué interministériel aux droits de l’Homme, Ahmed Chaouki Benyoub, a présenté, mardi, un rapport sur “l’Examen spécial en matière de protection des droits de l’Homme”, dans le cadre du Forum de la MAP.
Le rapport a servi d’étape pour passer en revue la situation des droits humains au Maroc durant les 3 dernières années (2019/2021), dans le sillage de positions exprimées récemment, usant de qualificatifs du genre “retour des graves violations des droits humains”, “régression des droits humains” et “hégémonie de l’approche sécuritaire”.
Cet Examen spécial vise également à réaliser une action de communication à propos d’allégations de violations récurrentes des droits de l’Homme qui entachent l’exercice des droits et libertés, en lien avec la pensée, l’opinion, l’expression, le rassemblement, la manifestation pacifique et la constitution des associations, ainsi que tout ce qui a trait aux allégations de tortures, aux garanties d’un procès équitable et à la peine de mort.
Le rapport a, d’emblée, souligné que les droits humains sont une question souveraine de l’État, gérée dans le cadre de la coordination institutionnelle, en vue d’une mise en œuvre optimale des engagements du Royaume, d’une part, envers les conventions internationales en matière des droits de l’Homme et, d’autre part, dans le but de garantir un équilibre entre le respect des droits de l’Homme et la préservation de la sécurité et de l’ordre public dans le cadre de la Constitution et de la loi.
La politique des droits de l’Homme connait une dynamique dans le cadre de ce champ vital pour améliorer la situation des droits humains, préserver les acquis, identifier les dysfonctionnements et lacunes et présenter les réponses pratiques appropriées.
Le rapport précise dans son introduction avoir veillé dans sa démarche d’analyse et de présentation des données qualitatives émanant de leurs auteurs, -en l’occurrence les différents diagnostics, évaluations et positions exprimées par les acteurs en matière de protection des droits de l’Homme- à faire preuve d’objectivité et d’intégrité intellectuelle, étant donné qu’il s’agit d’appréciations venant d’acteurs institutionnels crédibles ou exprimant les points de vue des courants de la société civile marocaine, dans leur pluralité et leur diversité.
Il s’appuie sur une démarche adoptée dans nombre de rapports publiés dans le cadre des mécanismes onusiens des droits de l’Homme, au niveau des organes des traités et des procédures spéciales, en partant du respect d’un triptyque articulé autour des données qualitatives, des conclusions et des recommandations.
L’Examen spécial se base sur les rapports et documents publiés durant la période 2019-2021, à savoir les rapports annuels ou thématiques des associations et organisations des droits de l’Homme, outre des documents du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).
Le document repose également sur les travaux du Conseil national de la presse et les décisions de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), au vu des liens qu’entretient ce secteur avec la liberté d’expression, en plus des recommandations des mécanismes onusiens.
Au niveau de la démarche et des résultats d’observation et d’analyses réalisés, les rapports des associations et des organisations des droits de l’Homme ainsi que ceux du CNDH et les recommandations des mécanismes onusiens constituent un domaine fertile pour exprimer une opinion qualitative en réponse aux allégations avancées.
Sur la base des données émanant des sources incluses dans le rapport, ce dernier soutient qu’il n’existe aucune régression ni retour aux graves violations des droits humains, faisant état de l’inexistence de rapports généraux ou spéciaux en lien avec des investigations et des recherches de terrain ou des missions d’enquête sur la protection des droits de l’Homme, ayant abouti à des conclusions confirmant l’existence de violations systématiques des droits humains.
Le document a également assuré qu”‘il n’existe aucun rapport d’observation ou de suivi des procès selon les normes internationalement reconnues qui remet en cause les garanties d’un procès équitable, ainsi que de rapports généraux ou spéciaux évoquant la question de la gouvernance sécuritaire et des droits de l’homme dans les domaines de la gestion des équilibres entre la défense des droits humains et le maintien de l’ordre public, tout particulièrement le recours à la force et la gestion des rassemblements, pouvant conforter la conviction que des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme auraient eu lieu”.
Il a aussi noté l’inexistence d’un rapport exhaustif et documenté qui confirmerait le bien-fondé des allégations d’atteinte au droit de constitution des associations, ce qui rend le traitement de cette question incomplet en termes de données.
Le rapport indique que ces conclusions permettent de réaffirmer que le Maroc a bel et bien opéré une rupture avec les violations flagrantes des droits humains, vues sous l’angle des acquis réalisés par le Royaume en matière de justice transitionnelle, précisant que rien n’a entamé la volonté suprême de l’État, resté ouvert, décisif et déterminé sur la voie du respect des droits humains.
En contrepartie, le rapport a mis en avant les problématiques relevées en matière de protection des droits de l’Homme, ainsi que les manquements et les défis réels qui entravent leur protection.
A ce propos, il a fait état d’”une crise d’évolution du système des droits de l’Homme” qui se traduit par le manque d’attention accordée par les pouvoirs exécutif et législatif aux recommandations du CNDH, ainsi que par le retard dans l’application des dispositions constitutionnelles au niveau des lois de protection stratégiques et vitales en matière de protection des droits de l’Homme, à leur tête les lois relatives au système pénal, aux rassemblements, aux manifestations et à la création des associations.
S’agissant de la liberté de pensée et de culte, l’Examen spécial n’a relevé aucune violation de la liberté de pensée, ce qui confirme, sans ambages, que la pratique de la liberté de pensée s’opère sans aucune restriction.
Pour ce qui est de la liberté d’opinion, d’expression et de presse, ainsi que de la garantie d’un procès équitable, le rapport a noté, en matière de poursuite de journalistes en justice, une hausse des atteintes à la sacralité des jugements et des recours y afférant, à travers des positions politiques ouvertement adoptées à mauvais escient par des organisations étrangères qui n’hésitent pas à se dresser en garantes de la loi.
Les opérations d’observation des procès menées par le CNDH jettent les bases d’une nouvelle transformation qualitative dans le domaine du suivi des garanties du procès équitable, a considéré le rapport.
Le Délégué interministériel s’est engagé, à cet égard, à accorder, de manière régulière, une attention particulière aux rapports d’observation des procès réalisés par le Conseil, à élaborer un rapport thématique sur les garanties du procès équitable à propos des questions soulevées à l’occasion de l’interaction avec les mécanismes onusiens, notamment les procédures spéciales.
S’agissant de la HACA et de la préservation de la liberté d’expression, le rapport a conclu que la Haute Autorité a accumulé un fonds de référence en faveur de la liberté d’expression, adossé à un cadre légal et nourri par les décisions émanant de cette institution.
A la mesure de ces acquis, la liberté de la presse fait face à des difficultés objectives et subjectives, liées à la fois au développement de l’entreprise journalistique et aux rapports avec la politique, la culture et la société, ainsi qu’à l’immunisation de l’autogestion de la profession, précise le document.
Le rapport revient aussi sur l’instrumentalisation politicienne de la liberté d’expression par des parties étrangères, évoquant dans ce sens la campagne politique hostile au Maroc et à son intégrité territoriale, menée depuis des années par Reporters sans frontières (RSF), “une campagne dépourvue de tous les éléments de professionnalisme et d’objectivité reconnus dans le domaine des droits de l’Homme”.
Et de souligner que l’indice de la liberté de la presse adopté par RSF n’est pas digne de confiance, manque de crédibilité scientifique et d’appui juridique, et n’est pas convaincant, d’autant plus qu’il adopte des critères qui abusent de formules arithmétiques, incapables de rendre compte de l’évolution de la liberté d’expression et de comprendre les conditions réelles dans chaque pays.
Le Délégué interministériel a indiqué qu’il avait reçu une demande de réunion pour fin novembre de la part de “RSF” et qu’il s’en est excusé en raison de l’impasse dans laquelle se sont retrouvées les relations entre les deux parties et de l’absence de la neutralité nécessaire concernant le différend régional autour de la question du Sahara marocain.
Au volet de l’action associative, le rapport a indiqué que le développement qualitatif du travail associatif, dans les régions reculées du Royaume, se heurte à des difficultés réalistes et juridiques liées à la crise du développement du système de protection des droits de l’Homme.
S’agissant de la liberté de rassemblement et de manifestation et des défis de la gestion de la crise de l’évolution du système de protection des droits de l’Homme, le rapport fait état, malgré toutes les difficultés et contraintes, d’un attachement à la paix civile et au vivre-ensemble, au regard du caractère pacifique des manifestations et de leur gestion professionnelle par les pouvoirs publics, en dépit des tentatives récurrentes de leur exploitation politicienne par certaines parties.
Mettant l’accent sur l’apport du mécanisme national de prévention de la torture, le rapport a conclu que les dispositions relatives à la torture s’appliquent à la question de la détention arbitraire, évoquant un recul notable des allégations liées au dépassement de la période de garde à vue et de détention préventive.
En ce qui concerne la peine de mort, le rapport a signalé un différend sérieux et profond qui, faisant intervenir de nombreux arguments liés aux droits de l’Homme, se démarque par la diversité des opinions qui puisent leurs racines dans un référentiel religieux et social.
Le Délégué interministériel s’est engagé, dans ce sens, à contribuer à l’organisation du dialogue entre les experts et à défendre la réduction au maximum de la peine de mort et à la limiter aux crimes les plus graves.
Le rapport sur “l’Examen spécial en matière de protection des droits de l’Homme” a présenté une série de recommandations en phase avec les prérogatives de la Délégation interministérielle.
Le rapport a exhorté tous les intervenants et parties concernés par la protection juridique et pénale des droits de l’Homme à interagir positivement avec les initiatives législatives concernant la révision du Code de procédure pénale et du Code pénal, en vue d’une parfaite harmonie juridique avec la Constitution et les engagements du Royaume.
Dans le cadre d’une coordination institutionnelle efficace, le rapport a préconisé une réflexion sur l’élaboration d’une approche de coopération régionale et locale au niveau de l’administration territoriale, avec la participation des commissions régionales du CNDH et des délégations régionales de l’institution du Médiateur du Royaume, qui seront chargées de recevoir les demandes et plaintes liées à la gestion des protestations et des rassemblements.
Il a également plaidé pour l’interaction positive avec l’initiative du gouvernement au sujet de la révision de la loi relative aux associations, et pour l’organisation de dialogues sereins et constructifs entre les spécialistes, tout en se référant aux experts en vue d’aboutir à des propositions liées à la révision des dispositions juridiques portant création des associations et régissant l’organisation des rassemblements et des manifestations. Des propositions qui interagissent avec les conclusions du Plan d’action national en matière de démocratie et des droits de l’Homme (PANDDH) en la matière.
Le rapport a aussi appelé à capitaliser les acquis qualitatifs des discussions et dialogues tenus auparavant sur les sujets de controverse liés à la protection juridique et pénale, et à engager une réflexion autour de l’organisation de dialogues se rapportant à la liberté d’opinion et d’expression, au vu des problématiques soulevées entre la presse et la politique.
D’autre part, le rapport a présenté un ensemble d’engagements dans le cadre l’interaction de la Délégation interministérielle avec les conclusions et recommandations préconisées, afin de contribuer au renforcement de la protection des droits de l’Homme et du dialogue autour de cette question.
Le Délégué interministériel s’est engagé à la mise en place d’un mécanisme et à la création d’un portail électronique pour recevoir et traiter les plaintes liées aux allégations d’atteinte aux droits et obligations, objet dudit rapport. Il sera lancé au début de l’année prochaine.
Parmi les engagements, figurent également la publication d’un rapport thématique sur la situation des droits de l’Homme dans les Provinces du sud du Royaume au cours des premiers mois de l’année prochaine, d’un rapport thématique sur la gouvernance sécuritaire et les droits de l’Homme en mai prochain, d’un rapport thématique sur les garanties d’un procès équitable à la lumière de la jurisprudence judiciaire à l’occasion de l’ouverture de la prochaine année judiciaire, ainsi que d’un rapport thématique interactif avec les rapports internationaux sur la situation des droits de l’Homme au Maroc en juin prochain, outre la publication d’un rapport sur l’Examen spécial relatif à la situation des droits de l’Homme à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme.
Au niveau de la coopération et de la communication avec les organisations et associations de défense des droits humains, la Délégation interministérielle a affirmé sa disposition à interagir avec les organisations de défense des droits de l’Homme concernées par les résultats de l’Examen spécial, et ce au niveau des plaintes et des autres rapports.
M. Benyoub a, en outre, annoncé l’organisation de journées d’étude sur les questions prioritaires incluses dans le rapport d’Examen, précisant que la méthodologie et le mode d’organisation seront annoncés courant janvier 2022.
Ces journées d’étude seront également organisées à partir de février 2022, et chaque rencontre sera consacrée à un thème précis. La Délégation interministérielle préparera également des rapports sur chaque rencontre. Le début de chaque journée d’étude passera en revue les points de vue et les positions des organisations de défense des droits de l’homme sur l’évaluation des conditions des droits humains dans le cadre des thèmes du rapport d’Examen.
Au niveau de la connaissance des droits de l’Homme et de la recherche scientifique, la Délégation lancera le “Congrès scientifique universitaire sur les droits de l’Homme”, une initiative qui s’inscrit dans le cadre du prolongement des séances de dialogues menés par le passé autour du PANDDH.
Ce premier congrès sera organisé en collaboration avec les universités et les facultés concernées et en partenariat avec les branches et unités spécialisées dans le domaine des droits humains, ainsi qu’avec les citoyens.
Ce conclave, prévu fin avril prochain, sera un espace d’échange de vues et sera ponctué d’une session nationale annuelle et d’autres sessions régionales.
Le Délégué interministériel aux droits de l’Homme s’est engagé aussi à élaborer, de manière régulière, des mémorandums et des initiatives sur les développements et les défis faisant l’objet de l’Examen, afin d’approfondir le débat et à les soumettre aux parties chargées de la coordination institutionnelle pour prendre les décisions qui s’imposent.